Made of Smokeless Fire: l'ode de Camille Farrah Lenain à la vie musulmane queer

« Ceci est une lettre d'amour pour toi, Oncle Farid. Et voici les questions que je n'ai jamais pu te poser : Croyais-tu en Allah? As-tu déjà essayé de te dévoiler à tes parents ? Comment as-tu ressenti la nouvelle dans ton corps lorsque tu as été diagnostiqué comme séropositif ? As-tu pu te sentir pleinement queer et pleinement arabe en France ? »

Camille Farrah Lenain

La Méditérannée, Marseille, 2020

Les Jinns sont des esprits surnaturels, capables de pouvoirs extraordinaires, mais invisibles à l’être humain ordinaire. Ils apparaissent pour la première fois dans le folklore arabe pré-islamique et intègrent l’imaginaire musulman par leur présence dans le Coran. Ni intrinsèquement bons ni mauvais, les Jinns – tout comme les humains – sont soumis au jugement de Dieu. Cependant, ils existent dans un espace liminal entre le céleste et le terrestre : un monde d’ombre qui transcende le temps et l’espace. Les Jinns sont partout et nulle part. Ils peuvent habiter tous les objets inanimés, qu’ils soient naturels ou non. Lorsqu’ils se révèlent, ces changeurs de forme peuvent assumer les apparences d’humains et d’animaux. Cependant, ils s’éloignent généralement des humains. Selon le folklore, les Jinns se distinguent des humains car ils sont faits de feu sans fumée. Cela les rend étranges pour certains, tout en étant mystiques, merveilleux et beaux pour d’autres.

L’artiste éducatrice franco-algérienne Camille Farrah Lenain a commencé son projet photographique en cours, Made of Smokeless Fire, en 2020. La série et l’exposition itinérante sont une ode à la vie musulmane queer en France. Lenain capture ces individus tels qu’ils se voient et comme ils souhaitent être vus, explorant des notions d’appartenance, de mémoire personnelle et collective, d’identité plurielles – contrecarrant ainsi les conceptions essentialistes, stéréotypées et islamophobes de la vie musulmane queer. Des portraits intimes d’amis et de nouvelles connaissances – principalement capturés à Paris, Marseille, et ailleurs dans le pays – se fondent dans des aperçus vernaculaires de la vie quotidienne remplis d’émerveillement. Sensiblement documentaires, les portraits sont réalisés après une conversation informelle enregistrée entre Lenain et ses sujets. Cette discussion guide une séance photo suivante, à l’issue de laquelle une photographie est sélectionnée par l’artiste en discussion avec le sujet : l’image qui capture le mieux l’essence de leur rencontre. Ce processus rend la démarche aussi collaborative que possible. L’image choisie est ensuite associée à un bref extrait de la conversation, les deux étant exposés côte à côte. L’œuvre devient une synthèse de texte et d’image, rendant l’invisible visible et donnant une voix à ceux qui n’en ont pas, rajoutant un niveau de complexité à chacuns de ces portraits. 

Je me sentais comme un arbre, dont il fallait couper les branches, parce que les gens ne savaient pas dans quel sens je partais. I felt like a tree whose branches had to be pruned because people didn’t know which way I was heading.



شعرت وكأنني شجرة يجب قطع أغصانها لأن الناس لم يعرفوا الطريق الذي أتجه إليه.

L’appareil photo de Lenain révèle plus que des personnes musulmanes queer elles-mêmes. Elle trouve de la magie dans des moments quotidiens contemplatifs, dans des interstices liés par une sensibilité à l’éphémère, au transitoire et au transcendant. Lenain tisse métaphysiquement ces moments mettant en scène des énergies en migration : un nuage de poussière débordant par une fenêtre ouverte, la lumière du soleil perçant le sommet d’un arbre, des oiseaux s’envolant. Les reflets et les silhouettes d’ombre – vestiges de la présence corporelle – sont également des motifs récurrents. Lenain honore  la précieuse impermanence des gestes et des moments fugaces, ou des vestiges qu’ils laissent derrière eux. Il n’y a pas grande différence entre une fleur poussant d’un morceau de ciment, un acte éphémère de vandalisme anti-colonial ou un baiser partagé entre deux amants. Ils sont tous des forces luttant mais s’efforçant de s’épanouir contre vents et marées. Les Jinns sont partout et nulle part, nous rappelle Lenain.

Sous-jacente à la poétique de la série se trouve une politique urgente de la représentation. Évidemment, la réclamation allégorique du Jinn comme archétype queer et la présence de divers objets traditionnels musulmans dans les portraits perturbent la frontière supposée entre la foi musulmane et l’identité queer. Cela dépasse cependant une simple disruption. Made of Smokless Fire explore les différentes voies empruntées par les musulmans et arabes queer pour harmoniser leur foi et leur queerness. La foi, cependant, n’est jamais dépeinte comme un obstacle : pour beaucoup d’entre eux, elle est une source de réconfort, de grâce et de protection. Il existe une histoire enfouie de tolérance queer dans le monde arabe pré-moderne : de la littérature et de la poésie sapphiques islamiques médiévales, à la satire politique du poète iranien Obeid Zakani et aux références aux désirs homosexuels dans les textes soufis, en passant par les nombreux monarques islamiques homosexuels, il existe une longue lignée de pratiques homosexuelles dans le monde arabe. Bien que l’homosexualité ait été illégale, elle était beaucoup plus socialement tolérée dans les nations islamiques pré-modernes que dans les nations judéo-chrétiennes. Pourtant, depuis des siècles, les religions islamiques ont été présentées comme fondamentalement homophobes, au point où le musulman queer a été construit comme une impossibilité sociale, un oxymore irréconciliable. Cette dichotomie ahistorique est souvent évoquée par de soi-disant progressistes pour condamner l’islam dans son ensemble, participant à une rhétorique islamophobe franchement désintéressée des expériences vécues des musulmans queer. Fait de feu sans fumée s’oppose à cette apathie en centrant les nombreux défis auxquels ils font face aujourd’hui.

L’homosexualité est criminalisée dans la majorité des pays arabes – à l’exception de la Jordanie et de la majeure partie de la Palestine – et elle est punissable de mort dans certains d’entre eux. Comme l’ajoute l’écrivain queer palestino-libanais-australien Elias Jahshan, « ces restrictions proviennent de lois coloniales européennes héritées, influencées par une compréhension chrétienne de la moralité »¹ . Ces lois ne sont pas nécessairement appliquées, mais elles entravent néanmoins considérablement la visibilité des musulmans queer au Moyen-Orient et en Afrique. Par conséquent, depuis les années 1990, les musulmans queer ont compliqué les conceptions essentialistes de leur identité plurielles et ont défié leur invisibilité au Moyen-Orient à travers l’écriture – des œuvres telles que Koolaids: The Art of War de Rabih Alameddine (1998), Salvation Army d’Abdellah Taïa (2006), The Philistine de Leila Marshy (2018), Life as a Unicorn d’Amrou Al-Kadhi (2019), The Last One de Fatima Daas (2020), This Arab is Queer d’Elias Jahshan (2022), Between Banat de Mejdulene Bernard Shomali (2023), ou The Queer Arab Glossary de Marwan Kaabour (2024). Comme le suggèrent ces auteurs, les musulmans queer doivent naviguer dans leurs identités de manière à ne pas – et ne devraient pas – être comprises à travers un cadre nord-américain ou européen d’identité LGBTQIA+. La conformité queer est une pente glissante ; les tentatives d’homogénéiser les groupes marginalisés à l’échelle mondiale sont sûres de générer de nouvelles formes de discrimination. Il est donc crucial de lire la série dans le cadre d’un projet plus large qui s’efforce de tisser un contre-narratif de l’existence musulmane queer.

Mon Dieu, fais taire leurs regards, rassure moi que je suis l’essence de ton art.

My God, silence their gazes, reassure me that I am the essence of your art.

إلهي أسكت أبصارهم، طمأنني بأنني جوهر فنك

Bien que la visibilité soit centrale dans la série, la dissimulation est tout aussi importante. Lenain utilise de manière créative la profondeur de champ, le flou de mouvement, les gros plans et le blocage pour mettre en avant – ou, plus souvent, obscurcir – certains éléments. Certains des portraits de Lenain ne montrent que des fragments, des signes ou des traces de présence corporelle : des mains levées en dua, une robe flottant au-dessus d’un tapis ottoman, des ombres silhouettes, des touffes blanches de pissenlit emportées par le vent, ou des reflets déformés. D’autres sujets posent pour des portraits mais cachent intentionnellement leurs visages, leur identité partiellement obscurcie par des plantes, de l’herbe, des textiles, un éventail, une lampe ou un voile. L’un d’eux est assis, recroquevillé, protégeant son visage de l’objectif avec le Coran. Fait de feu sans fumée intervient dans la tension entre visibilité et invisibilité, interrogeant la relation entre invisibilité contrainte et dissimulation volontaire. Ce geste en dit long. Il fait allusion au véritable défi auquel de nombreux musulmans queer font face dans les pays arabes et au-delà ; embrasser la queerness est un obstacle interne, mais se révéler socialement, se dévoiler publiquement, reste un énorme défi pour beaucoup. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’agence dans ce geste. Alors que les musulmans queer sont souvent contraints à l’invisibilité, ces sujets sont indéniablement présents, matérialisés, mais choisissent de se cacher pour des raisons de protection. L’utilisation fréquente d’artefacts religieux islamiques comme boucliers montre littéralement comment la religion peut servir à se protéger, tout en regardant vers un avenir où la foi musulmane et l’identité queer pourraient être pleinement entrelacées.

La promesse de cet avenir se réalise chez nombre d’autres sujets qui se présentent devant l’objectif de Lenain, dévoilés, fiers et dignes. Ils fusionnent des éléments de mode arabe traditionnelle et contemporaine, parfois capturés dans des espaces publics et d’autres fois dans leurs maisons. Lalla Rami se prélasse sur l’herbe, dans le jardin face à son appartement, portant un tarboosh sur la tête, une ceinture de danse orientale bleu royal ornée de pièces d’or, et des bottes en cuir bleu ciel ; elle fixe son téléphone, nous ignorant. En revanche, Kacim et Djalil nous regardent avec assurance. Capturé de côté, Kacim tourne la tête vers nous, torse nu, portant seulement une boucle d’oreille dorée et une chaîne argentée ; sur son cou, un tatouage indique « sonofawitch. » Djalil est allongé sur un canapé marocain au design complexe, portant un bonnet noir, des lunettes, et un hoodie coloré représentant diverses figures dans le style Pop Art. Ces portraits véhiculent différentes expressions qui reflètent des expériences vécues diverses, formant une tapisserie multiforme de ce à quoi ressemble et ressent la diaspora arabe aujourd’hui. Pourtant, malgré leurs distinctivités, tous participent à un geste collectif de dévoilement, suggérant de nouvelles connexions entre la mode queer contemporaine et l’habillement et le design visuel arabes traditionnels. Ils réutilisent et revendiquent la culture visuelle islamique. Ils franchissent les limites illusoires de l’identité et leur prétendue incompatibilité. Ils transcendent, affirmant : « Je suis à la fois pleinement queer et pleinement arabe. »

Il n'y avait plus de limite entre moi et le cosmos. Comme s'il y avait plus de “je” et que ça n'avait plus de sens. J'étais pleinement dans mon corps, mais en même temps plus du tout mon corps. Un sentiment d'entre deux ou un sentiment d'éternité parce que j'étais en dehors du temps, en dehors de l'espace.

There was no limit between me and the cosmos. As if there was no “I” and that nothing made sense anymore. I was fully embodied, but simultaneously disembodied. A feeling of in-betweenness or a sense of eternity because I was outside of time, outside of space.

لم يعد هناك أي حد بيني وبين الكون. كما لو لم يعد هناك "أنا" ولم يعد لها أي معنى. لقد كنت في جسدي بالكامل، لكن في نفس الوقت لم أكن في جسدي على الإطلاق. شعور بالوسط أو شعور بالأبدية لأنني كنت خارج الزمان، خارج المكان

De nombreuses images de bâtiments d’appartements en béton viennent également matérialiser les vies invisibles des musulmans queer. D’innombrables fenêtres forment des mosaïques de vie dans les banlieues françaises. Certaines fenêtres sont voilées par des stores. D’autres sont transparentes. Parfois, une lumière illumine les intérieurs sombres. Pourtant, nous n’avons jamais un accès complet à ces vies cachées. Les portraits chaleureux sont présentés en dialogue avec ces structures de béton, des habitations à loyer modéré largement peuplées d’immigrants français. Flou, Djalil contemple mélancoliquement la vue depuis son balcon, simultanément entouré et isolé. Pensez à tous les Jinns qui restent cachés, ceux qui ne peuvent pas se permettre de montrer leurs visages, leurs mains, leurs reflets ou leurs ombres. La douleur de la solitude queer imprègne ces images. Cependant, inversement, les bâtiments présentent également une tapisserie de connexions potentielles. Peut-être que si l’on entrait par ces fenêtres, on pourrait croiser des inconnus ressentant, vivant, désirant comme eux. Également invisibles et seuls, mais espérant être vus, validés, ressentir la chaleur de l’empathie, de la collectivité et de la parenté. Il y a en effet du réconfort à croire que ces bâtiments suggèrent une promesse : « peut-être que nous sommes plus nombreux que ça. » Une présence dans l’absence. L’espoir de croire qu’une lampe ordinaire peut abriter un Jinn.

C'est comme une histoire ancienne, qui revient et qui revient. Je suis très mélancolique, mais c'est ma vie. Comme beaucoup de vie d'homo, c'est pas une vie facile. On se cherche toujours un petit coin tranquille pour se préserver. On médite, on est dans notre coin et cette photo c'est un univers à part qu'on a tous en soi: un placard, une malle, un tiroir. C'est très mystique. Elle est comme un passé, présent et futur, elle est éternelle.

It's like an old story that keeps coming back over and over again. I am very melancholic, but it's my life. Like a lot of gay people’s lives, it's not an easy life. We are always looking for a little quiet corner for self-preservation. We meditate, we exist in our corner and this photo is a separate universe that we all have within ourselves: a closet, a trunk, a drawer. It's very mystical. It's a past, present and future, it is eternal.

.إنها مثل قصة قديمة، تعود وتعود م ن ج ديد،مثل العديد م ن حياة المثليي ن.إنها ليست حياة سهلةنح ن نبحث دائًمً ا ع ن زاوية صغيرة هادئة.الح فاظ على ن فسهنح ن نتأمل، نح ن ف ي زاويتناوهذه الصورة ه ي عالم من فصل :الت ي لدينا ج ميعا دا خ ل أن فسنا، خ زانة، ج ذع.درج .انها باطن ي ج داإنها مثل الماض ي والحاضر والمست قبل، ه ي كذلك .أبدي

Camille Farrah Lenain a perdu son oncle Farid en 2013, avant d’avoir eu la chance de lui poser des questions sur son expérience en tant qu’homme algérien gay élevé dans un foyer musulman. Dans la famille, sa sexualité était largement ignorée, mais généralement acceptée. « J’avais un million de questions pour lui, » déplore-t-elle. Depuis son décès, Lenain cherche des réponses sur son oncle, mais le sujet de son homosexualité reste trop difficile à aborder pour ses frères et sœurs. La quête familiale de Lenain s’est donc élargie à un projet documentaire universel : « Je me suis tournée vers des inconnus qui me sont désormais chers, et j’ai exploré ces questions d’identité à travers des interviews et des portraits. » Feu Sans Fumée rappelle que le traumatisme queer est une expérience collective et que l’empathie est un acte transcendant, qui entrelace le personnel et le politique.

Au centre de la série se trouve une photographie capturant l’immensité de la mer Méditerranée prise depuis le littoral de Marseille. Lorsque la série est exposée, cette image occupe généralement tout un mur, juxtaposée à un diptyque de portraits d’identification de Farid installés au milieu de la mer. Ils sont assez petits pour être gardés dans un portefeuille: pour être protégés et transportés n’importe où, comme des icônes de poche. La Méditerranée est le cœur de l’Empire islamique, le corps d’eau que tous les Arabes doivent traverser en migrant vers la France, ou encore, le tissu conjonctif entre l’Europe et le monde arabe. Elle est intrinsèquement liée aux vies de tous les musulmans queer vivant en France, symbole à la fois de déplacement diasporique et de mémoire collective, de distance et de connection. Sa présence ici favorise la collectivité et active la guérison générationnelle en réclamant la Méditerranée comme un nexus queer musulman. Farid se tient au centre de tout cela : une icône dévotionnelle pour tous ceux qui sont faits de feu sans fumée.

¹ Elias Jahshan, This Arab is Queer, (edited by Elias Jahshan), (London; SAQI Books, 2022), 8.

Rédigé par Nicolas Poblete (traduit et édité par Sandrine Fragasso)

Made of Smokeless Fire: l'ode de Camille Farrah Lenain à la vie musulmane queer

“This is a love letter to you, Uncle Farid. And here are the questions I was never able to ask you: Did you ever believe in Allah? Did you ever try to come out to your parents? How did the news feel, in your body, when you were diagnosed with HIV? Were you able to feel fully queer, and fully Arab, in France?”

Camille Farrah Lenain

La Méditérannée, Marseille, 2020

Jinns are supernatural spirits, capable of extraordinary powers, but invisible to the common human. They first appeared in pre-Islamic Arabic folklore and would integrate the Muslim imagination through their presence in the Quran. Neither innately good or evil, Jinns – just like humans – are subject to God’s judgment. Yet, they exist in a liminal space between the celestial and earthly: a shadow world that transcends time and space. Jinns are everywhere and anywhere. They may inhabit any and all inanimate objects, natural or otherwise. When they reveal themselves, these shape-shifters can assume the forms of humans and animals. However, they typically stray from humans. According to folklore, Jinns are different from humans because they are made of smokeless fire. This is what makes them strange to some, as well as mystical, marvelous, and beautiful to others. 

French-Algerian artist educator Camille Farrah Lenain started her ongoing photographic project, Made of Smokeless Fire, in 2020. The series and traveling exhibition is an ode to Queer Muslims life in France. Lenain captures these individuals as they see themselves and as they want to be seen, exploring notions of belonging, personal and collective memory, plural identity – thereby countering essentialist, stereotypical, Islamophobic conceptions of Queer Muslim life. Intimate portraits of acquaintances or individuals she just met – mostly captured in Paris, Marseille, and around the country – are set against vernacular glimpses of everyday life filled with wonder. Sensibly documentarian, the portraits are made after an informal recorded conversation between Lenain and her subjects. The chat guides a following photo session, from which a photograph is selected by the artist in discussion with the subject: the image that best captures the essence of their encounter. This makes the process as collaborative as possible. The chosen image is then paired with a brief excerpt of the conversation, both of which are exhibited alongside one another. The work becomes a synthesis of text and image, making the invisible visible and giving the voiceless a voice, adding a nuanced layer to the portrait.

Je me sentais comme un arbre, dont il fallait couper les branches, parce que les gens ne savaient pas dans quel sens je partais.

I felt like a tree whose branches had to be [pruned] because people didn’t know which way I was [heading].

شعرت وكأنني شجرة يجب قطع أغصانها لأن الناس لم يعرفوا الطريق الذي أتجه إليه.

Lenain’s camera reveals more than Queer Muslim folks themselves. She finds magic in contemplative mundane moments, in-betweens loosely connected by a sensibility for the ephemeral, the transitory, and the transcendent. Lenain metaphysically interweaves these moments featuring energies in migration; a dust cloud overflowing through an open window; sunlight piercing through the crown of a tree; birds taking flight. Reflections and shadow silhouettes – vestiges of bodily presence – are also recurring motifs. Lenain dignifies the precious impermanence of fleeting gestures and moments, or the remnants they leave behind. There is not much difference between a flower growing from a piece of cement, an ephemeral act of anti-colonial vandalism, or a kiss shared between two lovers. They are all forces struggling yet striving to flourish against all odds. Jinns are everywhere and anywhere, Lenain reminds us. 

Underlying the poetics of the series is an urgent politics of representation. Evidently, the allegorical reclamation of the Jinn as a Queer archetype and the presence of various Muslim traditional objects in the portraits disrupt the assumed boundary between Muslim faith and Queer identity. This achieves more than mere disruption, though. Made of Smokeless Fire explores the various paths Queer Muslims and Arabs take in harmonizing their Muslim faith and their queerness. Faith, however, is never portrayed as an obstacle: for many of these individuals, it is a source of solace, grace, and protection. There is, indeed, a buried history of Queer tolerance in the pre-Modern Arab world: from Medieval Islamic sapphic romance literature and poetry, to the political satire Iranian poet Obeid Zakani and references to same-sex desires in Sufi texts, or again, the numerous homosexual Islamic monarchs, there is a long lineage of homosexual practices in the Arab world. Though it was illegal across, homosexuality was far more socially tolerated in pre-Modern Islamic nations than Judeo-Christian ones. Yet, for centuries, Islamic religions have been framed as fundamentally homophobic, to the point where the Queer Muslim has been constructed as a social impossibility, an irreconcilable oxymoron. This ahistorical dichotomy is frequently conjured by so-called progressives to condemn Islam altogether, participating in an Islamophobic rhetoric frankly disinterested in the actual lived experiences of Queer Muslims. Made of Smokeless Fire positions itself against this apathy by centering the numerous challenges that they face today. 

Homosexuality is criminalized in the majority of Arab countries – except for Jordan and most of Palestine – and it is punishable by death in a few of them. As Queer Palestinian-Lebanese-Australian writer Elias Jahshan adds, “these restrictions stem from inherited European colonial laws that were informed by a Christian understanding of morality.”¹  These laws are not necessarily enforced, but they nonetheless drastically hamper Queer Arab visibility in the Middle East. Consequently, since the 1990s, Queer Arabs have complicated essentialist conceptions of their plural identity and challenged their invisibility in the Middle East and Africa through writing – such works include Rabih Alameddine’s Koolaids: The Art of War (1998), Abdellah Taïa’s Salvation Army (2006), Leila Marshy’s The Philistine (2018), Amrou Al-Kadhi’s Life as a Unicorn (2019), Fatima Daas’ The Last One (2020), Elias Jahshan’s This Arab is Queer (2022), Mejdulene Bernard Shomali’s Between Banat (2023), or Marwan Kaabour’s The Queer Arab Glossary (2024). As these authors suggest, Queer Arabs must navigate their identities in ways that cannot – and should not – be understood through a North American or European framework of LGBTQIA+ identity. Queer conformity is a slippery slope; attempts to homogenize global marginalized groups are sure to generate new forms of discriminations. It is crucial, thus, to read the series within a larger project striving to weave a counter-narrative of Queer Arab existence.

Mon Dieu, fais taire leurs regards, rassure moi que je suis l’essence de ton art.

My God, silence their gazes, reassure me that I am the essence of your art.

إلهي أسكت أبصارهم، طمأنني بأنني جوهر فنك

Though visibility is central to the series, concealment is just as important. Lenain creatively utilizes depth of field, motion blur, close-ups, and blocking to emphasize – or, more often, obfuscate – certain things. Some of Lenain’s portraits contain only fragments, signs, or traces of bodily presence: raising hands in Dua,  a dress floating above an Ottoman carpet, shadow silhouettes, white tufts of dandelion blowing in the wind, or distorted reflections. Other subjects sit for portraits, but intentionally conceal their faces, their identity partially obscured by plants, grass, textiles, a hand fan, a lamp, or a veil. One sits, curled up, protecting their face from the camera lens with the Quran. Made of Smokeless Fire intervenes within the tension of visibility and invisibility, interrogating the relationship between coerced invisibility and free-willing concealment. The gesture speaks volume. It, for one, alludes to the real challenge that many Queer Arabs face in Muslim countries and beyond; to embrace queerness is one internal obstacle, but to come out socially, to unveil oneself publicly, remains an enormous challenge for many. However, this is not to imply that there is no agency in the gesture. Whereas Queer Arabs are often coercively relegated to invisibility, these subjects are undeniably there, present, materialized, but choose to conceal themselves for protective purposes. The frequent use of Islamic religious artifacts as shields literally showcase how religion may serve to protect oneself, but it simultaneously gazes towards a futurity where Muslim faith and Queer identity may be fully intertwined.

The promise of this futurity is realized by many of the other subjects presenting themselves before Lenain’s camera lens, unveiled, proud, and dignified. They fuse traditional Arabic and contemporary fashion elements, sometimes captured in public spaces and other times in their homes. Lalla Rami lounges on the grass, in the garden facing her apartment, wearing a tarboosh on her head, a royal blue Middle Eastern belly dancing waist scarf adorned with gold coins, and sky blue leather boots; she stares at her phone, ignoring us. On the other hand, Kacim and Djalil stare back assertively. Captured from his side, Kacim turns his head towards us, bare-chested, only wearing a golden hoop and a silver chain; along his neckline, a tattoo reads “sonofawitch.” Djalil lies on an intricately designed Moroccan sofa, wearing a black beanie, glasses, and a colorful hoodie featuring various figures rendered in the Pop Art style. These portraits convey different expressions that reflect different lived experiences, forming a multi-form tapestry of what the Arab diaspora looks and feels like today. Yet, despite their distinctiveness, they all engage in a collective gesture of unveiling, suggesting new connections between contemporary Queer fashion and traditional Arabic attire and visual design. They repurpose and reclaim Arabic visual culture. They breach beyond the illusory limits of identity and their alleged incompatibility. They transcend,  asserting: “I am both fully Queer and fully Arab.” 

 

Il n'y avait plus de limite entre moi et le cosmos. Comme s'il y avait plus de “je” et que ça n'avait plus de sens. J'étais pleinement dans mon corps, mais en même temps plus du tout mon corps. Un sentiment d'entre deux ou un sentiment d'éternité parce que j'étais en dehors du temps, en dehors de l'espace.

There was no limit between me and the cosmos. As if there was no “I” and that nothing made sense anymore. I was fully embodied, but simultaneously disembodied. A feeling of in-betweenness or a sense of eternity because I was outside of time, outside of space.

لم يعد هناك أي حد بيني وبين الكون. كما لو لم يعد هناك "أنا" ولم يعد لها أي معنى. لقد كنت في جسدي بالكامل، لكن في نفس الوقت لم أكن في جسدي على الإطلاق. شعور بالوسط أو شعور بالأبدية لأنني كنت خارج الزمان، خارج المكان.

Numerous images of concrete apartment buildings also come to materialize the lives of invisible Queer Arabs. The photographs present countless windows, Some of them are veiled by blinds. Others are see-through. Sometimes, a light illuminates the dark interiors. Yet, we never get full access to these hidden lives, these mosaics of life at the margins of French cities. The warm portraits are presented in conversation to these concrete structures, low income housing largely populated by French immigrants. Out-of-focus, Djalil melancholically contemplates the view from his balcony, simultaneously surrounded and secluded. Think of all the Jinns who remain hidden, those who cannot afford to show their faces, hands, reflections, or shadows. The ache of Queer loneliness permeates these images. However, conversely, the buildings also present a tapestry of potential connections. Perhaps if one were to enter through these windows, they might encounter strangers feeling, living, longing just as they do. Also unseen and lonely, but hoping to be seen, to be validated, to feel the warmth of empathy, collectivity, and kinship. There is indeed comfort in believing that these buildings suggest a promise: “perhaps there are more of us out there.” A presence in absence. The hope of believing that any ordinary lamp may house a Jinn. 

C'est comme une histoire ancienne, qui revient et qui revient. Je suis très mélancolique, mais c'est ma vie. Comme beaucoup de vie d'homo, c'est pas une vie facile. On se cherche toujours un petit coin tranquille pour se préserver. On médite, on est dans notre coin et cette photo c'est un univers à part qu'on a tous en soi: un placard, une malle, un tiroir. C'est très mystique. Elle est comme un passé, présent et futur, elle est éternelle.

It's like an old story that keeps coming back over and over again. I am very melancholic, but it's my life. Like a lot of gay people’s lives, it's not an easy life. We are always looking for a little quiet corner for self-preservation. We meditate, we exist in our corner and this photo is a separate universe that we all have within ourselves: a closet, a trunk, a drawer. It's very mystical. It's a past, present and future, it is eternal.

.إنها مثل قصة قديمة، تعود وتعود م ن ج ديد،مثل العديد م ن حياة المثليي ن.إنها ليست حياة سهلةنح ن نبحث دائًمً ا ع ن زاوية صغيرة هادئة.الح فاظ على ن فسهنح ن نتأمل، نح ن ف ي زاويتناوهذه الصورة ه ي عالم من فصل :الت ي لدينا ج ميعا دا خ ل أن فسنا، خ زانة، ج ذع.درج .انها باطن ي ج داإنها مثل الماض ي والحاضر والمست قبل، ه ي كذلك .أبدي

Camille Farrah Lenain lost her Uncle Farid in 2013, before she had the chance to ask him about his experience as a gay Algerian man raised in a Muslim household. In the family, his sexuality was largely ignored, but generally accepted. “I had a million questions for him,” she laments. Since his passing, Lenain has been searching for answers about her uncle, but the subject of his homosexuality is still too difficult to discuss for his siblings. Lenain’s familial search thus expanded to a universal documentarian project: “I turned towards strangers who are now dear to my heart, and explored these questions around identity through interviews and portraiture.” Made of Smokeless Fire reminds that Queer trauma is a collective experience and that empathy is a transcendent act, one that intertwines the personal and political. 

Overarching the series is a photograph capturing the endless expanse of the Mediterranean Sea taken from the seashore at Marseille. When the series is exhibited, this image usually takes up an entire wall, juxtaposed against a diptych of identification photographs of Farid installed in the middle of the sea. They are small enough to be kept in a wallet: to be protected and carried anywhere, like portable icons. The Mediterranean is the heart of the Islamic Empire, the body of water that all Arabs must cross when migrating to France, or again, the connecting tissue between Europe and the Arab world. It is intrinsically linked with the lives of all Queer Muslims living in France, a symbol of both diasporic displacement and communal memory, of distance and connection. Its presence here fosters collectivity and activates generational healing by reclaiming the Mediterranean as a Queer Muslim nexus. Farid stands in the middle of it all: a devotional icon for all of those who are made of smokeless fire. 

¹ Elias Jahshan, This Arab is Queer, (edited by Elias Jahshan), (London; SAQI Books, 2022), 8.

Rédigé par Nicolas Poblete (traduit et édité par Sandrine Fragasso)

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