LINA SOUALEM - Des histoires, de l’intime au collectif

Lina Soualem est une passeuse d’histoires. Prise dans une multitude de lieux, de mémoires et de récits, elle réalise ses films depuis un espace tiers, commun à une génération déracinée, issue des exils et des diasporas.

Des récits  familiaux 

La famille de son père, algérienne, a immigré en France il y a plus de 60 ans et n’entretient plus aucun lien avec son pays. Sa mère, la célèbre actrice Hiam Abbass, est Palestienne. Elle reste pour sa part très attachée à sa terre. Mais son lien au pays est lui aussi menacé, en raison de la colonisation et des circonstances politiques qui tendent à l’effacement de la mémoire palestinienne. 

Ainsi, Lina Soualem se trouve au cœur d’histoires déracinées. Elle met alors son talent de réalisatrice au service de ces récits bousculés ou effacés par l’exil, en décidant de les reconstituer par le prisme de sa caméra.

 

A travers son regard, elle les fait vivre ou revire.

Reconstruire des mémoires démembrées : écrire une Histoire 

Lina Soualem a à cœur de mettre en avant ces vécus. Ses films nous rappellent l’importance d’écrire et de rendre publique ces histoires alternatives – souvent douloureuses – qui continuent à être passées sous silence.

 

Alors, dans ces deux premiers films, Leur Algérie et Bye Bye Tibériade, elle se sert d’un même procédé. Elle interroge les membres de sa famille, souvent les femmes, depuis l’autre côté de la caméra et les laisse, elles, au centre de l’image. Elle fait ainsi naître une conversation, dans un cadre intime. La frontière de l’objectif  disparaît peu à peu et de cette manière, elle capture de façon authentique leurs témoignages.

 

Dans les deux films, une même phrase résonne. Alors que Lina Soualem mène sa recherche, elle progresse jusqu’à un moment où les témoignages qu’elle recueille deviennent d’une puissance pure, atteignent quelque chose de profond, presque trop intense. D’abord sa grand-mère, puis sa mère dans le second film, l’interpellent et lui demandent : « Mais qu’est ce que tu cherches, Lina ? ». Lina Soualem cherche à reconstruire, non sans difficulté, ces mémoires démembrées, pour les agréger et en faire émerger une Histoire.

 

Les films de Lina Soualem eux aussi résonnent, avec nos propres histoires. Par ses questions, à la fois simples et puissantes, dont elle seule a le secret, elle parvient à porter les témoignages des femmes de sa famille de l’intime au collectif. Ses œuvres touchent puissamment, aussi bien ceux qui ont vécu l’exil que ceux qui sont nés de ce déracinement et qui ont pu, comme elle, être privés de ces récits. Elle porte ainsi cette douleur et ce besoin de la chanter. Elle participe donc à bâtir cette transmission intergénérationnelle des mémoires. 

 

Dans Leur Algérie, le but de la réalisatrice est, comme elle le déclare elle-même, de briser un silence pesant, propre à l’Algérie, qui s’est installé dans les interstices de la mémoire familiale et collective.
Tandis que dans son nouveau film, Bye Bye Tibériade, elle explore le parcours de sa famille palestinienne, l’enjeu étant de pallier à l’effacement d’une histoire menacée. 

LEUR ALGERIE : BRISER LE SILENCE

Dans son premier film, Leur Algérie, Lina Soualem  retrace le parcours de ses grands-parents paternels – de leur histoire personnelle à l’histoire collective de l’immigration algérienne en France dans laquelle ils s’inscrivent. 

 
Images de Leur Algérie tirées de la bande annonce du film réalisée pour le festival du film francophone d’Angoulême 2021, disponible sur Youtube
Images de Leur Algérie tirées de la bande annonce du film réalisée pour le festival du film francophone d’Angoulême 2021, disponible sur Youtube
Images de Leur Algérie tirées de la bande annonce du film réalisée pour le festival du film francophone d’Angoulême 2021, disponible sur Youtube

En effet, le film prend pour point de départ le divorce de ses grands-parents, Aïcha et Mabrouk, qui après 62 ans de mariage, décident de se séparer. Elle en profite alors pour se pencher sur leur vécu et ce qui les a poussés à prendre cette décision après tant d’années. Elle sonde avec une sensibilité sans égal et un humour touchant leurs personnalités respectives.
Lina Soualem entreprend ainsi une archéologie de son histoire familiale. Elle tente de revenir aux sources en les interrogeant sur leur terre d’origine, l’Algérie. On saisit rapidement le lien complexe qui s’est façonné avec leur pays au fil des années d’exil. En résulte le silence de son grand-père et les rires aussi  gênés que touchants de sa grand-mère à l’évocation de souvenirs trop douloureux, encore trop sensibles. 

Dans ce premier film, Lina Soualem réalise un geste à la portée fondamentale. Elle vient mettre à jour les conséquences du déracinement au fil des générations. En incluant l’expérience de son père au portrait familial, elle explicite la manière dont un silence s’est abattu sur l’histoire familiale. 

Le film se conclut sur ce qui apparaît être un acte de résolution commun à ceux qui expérimentent l’exil, de manière plus ou moins directe : ce retour au pays que Lina effectue, difficile mais nécessaire.

Images de Leur Algérie tirées de la bande annonce du film réalisée pour le festival du film francophone d’Angoulême 2021, disponible sur Youtube
Images de Leur Algérie tirées de la bande annonce du film réalisée pour le festival du film francophone d’Angoulême 2021, disponible sur Youtube

BYE BYE TIBÉRIADE : NE PAS TOMBER DANS L’OUBLI

« Une Histoire faite de lieux disparus et de mémoire dispersée »

 

C’est ce que la réalisatrice franco-algérienne Lina Soualem décrit au travers de son film Bye Bye Tibériade.

 

Une mosaïque d’archives et de souvenirs s’esquisse sous les cimes du temps, racontant l’Histoire des femmes de sa famille, de sa « lignée ». Lina Soualem entremêle des recueils vidéographiques de son enfance et des images récentes, le tout se déployant sous forme documentaire. Elle filme sa famille, ces visages où résident la grâce des instants fanés, sa terre palestinienne, ces lieux qui l’ont vu grandir. La cinéaste nous plonge dans l’intimité des liens de sang, mettant en lumière les identités plurielles des femmes de sa famille. 

Images de Bye Bye Tibériades tirées du film, sur Arte.tv
Images de Bye Bye Tibériades tirées du film, sur Arte.tv

 « Née d’une rupture entre 2 mondes », la réalisatrice interroge sa mère, Hiam Abbass, sur les raisons de son exil, qui avec une sincérité tendre, se raconte. Au travers d’une succession d’images sont données à voir les conditions dans lesquelles elle a pu grandir, à Deir Hanna, un village galiléen proche du lac de Tibériade. Hiam Abbass s’exprime sur le morcellement de sa famille causé par l’occupation israélienne. 

 

 « Redonner la voix à ma lignée, c’est affirmer leur existence »

Au travers de cette intimité se révèle un cas de figure s’appliquant à une majorité des familles palestiniennes, décimées, déracinées, contraintes de quitter leurs terres, et d’abandonner l’écosystème ayant sculpté leur ordinaire. En dérobant les confins de son monde et de son histoire personnelle, Lina Soualem dépeint une histoire collective, un récit commun, erant de foyer en foyer.

Images de Bye Bye Tibériades tirées du film, sur Arte.tv

Ce travail de documentation conserve la réalité d’un lieu menacé de disparaître à tout moment, il évite de tomber dans l’oubli et de limiter le réel à ses débris. 

 

Une lutte contre la dépossession de soi se fait ainsi jour dans le théâtre de la mémoire, où une mer de réminiscences refuse de céder au tombeau de l’indifférence.

La préciosité de ces mémoires permet de ne pas sombrer dans les ruines de l’oubli et de perpétuer l’Histoire, les histoires, qui enchantent nos yeux et nos cœurs. 

 

Les mots ne sont pas assez forts pour supporter la profondeur des émotions convoquées dans cette oeuvre,

 

Alors ce sont les images qui parlent,
Qui racontent et qui honorent.

POUR ALLER PLUS LOIN ET VOIR DE VOS PROPRES YEUX LES SUBLIMES RÉALISATIONS DE LINA SOUALEM : 

 

  • Vous pouvez visionner la bande annonce de Leur Algérie via le lien ci-dessous et le visionner en VOD sur Arte 

 

Leur Algérie, bande-annonce
https://www.youtube.com/watch?v=yBDxZcwVWco&t=13s

 

  • Bye Bye Tibériade sortira en salle le 21 février 2024 et représentera la Palestine aux Oscars 2024, dans la catégorie meilleur film étranger

 

Vous pouvez visionner Bye Bye Tibériade gratuitement et en version complète sur Arte.tv, via le lien ci-dessous, jusqu’au 21 février 2024

 

Bye Bye Tibériade, film complet : https://www.arte.tv/fr/videos/099738-000-A/bye-bye-tiberiade/

 

Crédits : 

 

Images de Leur Algérie tirées de la bande annonce du film réalisée pour le festival du film francophone d’Angoulême 2021, disponible sur Youtube

Images de Bye Bye Tibériades tirées du film, sur Arte.tv 



Image de Léna Kemiche et Carmen Folleas

Léna Kemiche et Carmen Folleas

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